- RÉANIMATION
- RÉANIMATIONLa signification du terme de réanimation a changé en fonction du progrès des connaissances et des techniques. La réanimation fut d’abord chirurgicale car les urgences opératoires nécessitaient la mise au point de parades thérapeutiques appropriées. Par cela même, elle se limita longtemps aux méthodes transfusionnelles, du fait que l’hémorragie paraissait être la cause exclusive de la mort. Elle devint médicale ensuite et réanimer signifia, pour beaucoup, rétablir la constance des conditions de vie dans le milieu intérieur. Les méthodes furent perfusionnelles et instrumentales pour pallier l’insuffisance ventilatoire et rénale, c’est-à-dire l’insuffisance des émonctoires. Enfin, les progrès des connaissances en biochimie cellulaire ont conduit la réanimation à s’intéresser aussi à la restauration des processus métaboliques cellulaires normaux, puisqu’ils sont ou ont été perturbés par l’anoxie. On a complété peu à peu une thérapeutique mécaniciste de systèmes (cardiaque, ventilatoire, rénal) par une thérapeutique s’adressant plus directement à la vie cellulaire.La réanimation s’adresse avant tout aux corrélations d’ensemble des systèmes qui assurent l’activité globale d’un organisme, son «animation», alors que la correction des lésions d’un organe particulier, fût-ce la masse sanguine, reste du ressort des spécialistes (cf. THÉRAPEUTIQUE - Soins d’urgence et réanimation). Nous aurons ici pour objectif de spécifier les modalités de la réanimation dans la réaction organique aux agressions, phénomène assez univoque quel que soit le type de l’agression.Principes de baseComme toute la vie organique dépend de la circulation du sang dans les tissus, l’arrêt du cœur ou son insuffisance fonctionnelle, s’accompagnant d’une mort apparente, exige une thérapeutique d’extrême urgence pour rétablir la fonction cardio-circulatoire. Suivant la rapidité et l’efficacité de cette thérapeutique, les lésions d’autres organes et particulièrement du plus sensible, le cerveau, peuvent être évitées. Ces lésions ont pour cause fondamentale l’insuffisance – hypoxie et, à la limite, anoxie – de la teneur en oxygène.La respiration des cellules situées dans les tissus se résume en effet à des phénomènes d’oxydoréductions biocatalytiques aboutissant, d’une part, à la formation d’eau par réaction entre l’oxygène et les ions hydrogène provenant des molécules organiques dégradées et, d’autre part, à la production d’acides (acide carbonique, acide lactique) qui tendent à abaisser le pH du milieu intérieur.Ce schéma permet de comprendre que la réanimation doit s’intéresser à la fois au niveau métabolique de la vie tissulaire et à celui des systèmes, et avant tout du système cardio-vasculaire. Étant composés de cellules, les systèmes ne peuvent fonctionner correctement que si le métabolisme cellulaire est efficace. En retour, celui-ci ne peut être efficace que si le fonctionnement des systèmes est correct.Puisque le système cardio-vasculaire assure en premier lieu l’approvisionnement cellulaire en substrats énergétiques et en oxygène et en second lieu l’élimination des déchets acides, on comprend l’importance du maintien ou de la restauration rapide de sa fonction. Enfin, l’accomplissement de cette fonction résulte de la mobilisation d’une masse sanguine dont le volume doit demeurer constant. Bref, la réanimation réside dans la restauration fonctionnelle de cet ensemble dynamique hiérarchisé .Réanimation d’urgenceL’étiologie des accidents qui nécessitent la réanimation d’urgence est extrêmement variée. Signalons entre autres les diverses affections cardiaques, l’anesthésie, les explorations instrumentales ou radiologiques, la noyade, l’électrocution, l’embolie pulmonaire ou gazeuse. Ces circonstances étiologiques commandent le plus souvent le lieu où se produit l’accident. Selon qu’il se produit en dehors ou à l’intérieur d’un centre hospitalier, les moyens mis en œuvre et les moyens de contrôle sont radicalement différents. Un arrêt cardiaque qui survient en salle d’opération bénéficie évidemment d’une reconnaissance plus précoce, de moyens instrumentaux immédiats, d’un contrôle d’efficacité plus précis que celui qui résulte d’une noyade ou d’une électrocution à domicile. En médecine néo-natale, les progrès contre la mortalité infantile dépendent dans une large mesure de la mise en œuvre des techniques de réanimation en cas de mort apparente du nouveau-né.Le pronostic est dominé par le degré de souffrance cérébrale; celui-ci va de la persistance temporaire de quelques signes neurologiques anormaux à un état neurologique grave avec signes de souffrance cérébrale atteignant les fonctions végétatives. C’est alors l’étude classique des comas et de leur évolution symptomatologique et encéphalographique. Le coma carus avec flaccidité peut être suivi d’une rigidité de décérébration. Dans ces cas gravissimes, la réanimation ventilatoire assure une fonction respiratoire correcte. L’alimentation par voie veineuse puis par sonde gastrique pallie les troubles de la déglutition. L’efficacité de la réanimation cardiaque, l’évolution des lésions qui ont pu lui donner naissance ou dont elle a pu s’accompagner sont suivies en enregistrant de façon continue l’électrocardiogramme, alors que l’évolution des lésions cérébrales est appréciée par des examens électro-encéphalographiques répétés. L’équilibre humoral nécessite une attention constante (pH, pO2, pC2, glycémie, azotémie, kaliémie, natrémie, cryoscopique, etc.). Le fonctionnement digestif et urinaire est étroitement surveillé.Techniques de réanimationOn utilise des moyens physiques (restauration de la ventilation, de la circulation et de la masse sanguine) et des moyens pharmacologiques ou plus exactement biochimiques.– Moyens physiques. La restauration de la ventilation doit être mise en œuvre en même temps que la réanimation cardiaque, d’autant que l’insuffisance ventilatoire est souvent la cause de l’insuffisance cardiaque. Elle doit assurer la liberté de l’arbre trachéo-bronchique à tous les niveaux (hyperextension de la tête, relèvement de la mâchoire pour s’opposer à la chute de la langue); les tubes de Mayo, de Guédel, l’intubation trachéale le permettent. Cette dernière permet aussi l’aspiration trachéale et bronchique. Difficile sur le terrain, elle a conduit à la création d’installations mobiles d’urgence. Elle fait appel enfin à la ventilation artificielle. Le bouche à bouche a remplacé les anciennes méthodes d’urgence. Les méthodes instrumentales exigent un appareillage plus ou moins complexe suivant le lieu d’utilisation, sur le terrain ou en salle d’opération. La durée d’une prothèse ventilatoire varie selon les cas de quelques heures à plusieurs jours, semaines ou mois. Grâce au contrôle du pH, de la pC2 et de la lactacidémie, on évalue l’adaptation de la ventilation mécanique à l’intensité du métabolisme tissulaire.La restauration de la circulation par massage du cœur en cas d’insuffisance ou d’arrêt cardiaque se réalise soit à thorax fermé (méthode de pressions transthoraciques de Kouvenhoven), soit dans certains cas précis, en salle d’opération à thorax ouvert (massage direct du cœur), soit par voie abdominale transdiaphragmatique; si, à la suite de cette réanimation ou parfois, primitivement, le cœur fibrille, un choc électrique est nécessaire pour qu’il reparte au rythme sinusal, ou du moins en automatisme ventriculaire spontané. La défibrillation se réalise aussi par voie transthoracique ou par voie directe à thorax ouvert (Courbier et Torresani, 1964).Pour la restauration de la masse sanguine quand il existe une spoliation de celle-ci, on emploie soit du sang, soit, en son absence, un substitut du sang contenant des molécules suffisamment volumineuses pour rester momentanément dans la circulation et rétablir la pression oncotique.– Moyens biochimiques. Les moyens physiques énumérés ci-dessus répondent généralement à une situation d’urgence. Les moyens chimiques peuvent y répondre aussi mais ils s’avèrent être une arme à double tranchant. L’injection d’adrénaline, qui fut longtemps la drogue essentielle de la réanimation cardio-vasculaire parce qu’elle provoque une vasoconstriction périphérique, augmente la résistance vasculaire et favorise la perfusion coronaire. Son action sur le système phosphorylasique favorise l’utilisation du glycogène et l’approvisionnement des voies métaboliques à partir des réserves endogènes en ce substrat. Mais, parallèlement à la formation accrue d’acide lactique par activation de la glycolyse, la vasoconstriction qui diminue le débit circulatoire hépatique empêche la reconversion d’acide lactique en glycogène. L’adrénaline accentue donc l’acidose métabolique alors que le rein, dont la corticalité est exclus, ne peut en assurer l’excrétion. C’est donc la dissociation des bicarbonates qui maintient momentanément le pH; le C2 étant éliminé par les poumons, une baisse dangereuse de la pC2 en résulte. Par surcroît, si elles augmentent la puissance contractile du cœur, l’adrénaline et les adrénalinomimétiques provoquent fréquemment la fibrillation. L’injection intracardiaque peut cependant, en cas d’urgence et compte tenu d’un contrôle ventilatoire efficace, assurer la reprise de la contractilité cardiaque et, si une fibrillation survient, un choc électrique est alors capable de restaurer l’autonomie contractile. Le chlorure de calcium conserve aussi ses indications. En urgence, les glucosides tonicardiaques en ont peu. Par contre, dans tous les cas d’insuffisance aiguë cardio-circulatoire, on utilisera la méthode puissamment efficace et sans danger qui consiste à perfuser rapidement par voie veineuse du glucose hypertonique à 30 p. 100 et de l’insuline (Laborit, 1957). L’insuline et le glucose favorisent la repolarisation et la réintégration du potassium dans les cellules. Après la phase aiguë, un sel de potassium est parfois utile (aspartates de potassium et de magnésium, Laborit, 1965). L’acidose exige l’emploi d’une substance tampon (bicarbonate de sodium ou thrométamine, commercialisée sous le nom de THAM). La restauration de la réserve en bicarbonate ne suffit généralement pas à rétablir la pC2 intratissulaire. Certains ont proposé récemment l’emploi d’un inhibiteur de la carboanhydrase: l’acétazolamide. Dans l’ensemble, la réanimation d’urgence chevauche le traitement du choc traumatique, hémorragique ou toxique, et celui des comas. La neuroplégie et l’hibernation artificielle (Laborit et Huguenard, 1951) conservent leurs indications dans certains cas gravissimes.Réanimation à long termeLa réanimation pourrait être comprise comme un ensemble thérapeutique d’urgence assurant la restauration rapide ou le maintien à court terme des principales fonctions organiques. Or, l’aspécificité de la réaction organique aux agressions se prolonge dans le temps et la réanimation s’est progressivement étendue à la restauration de l’équilibre homéostasique perturbé, même lorsque cette perturbation persiste sous une forme plus stable. C’est ainsi que les complications cérébrales laissent parfois pendant plusieurs jours, semaines ou mois un malade entièrement dépendant du remplacement de ses principales fonctions par des moyens de substitution «artificiels». Pour assurer son équilibre hydro-électrolytique et sa nourriture en substrats divers, son alimentation par voie parentérale pose des problèmes diététiques complexes. Une ventilation artificielle prolongée exige le contrôle des gaz du sang. L’insuffisance rénale amène parfois à l’emploi prolongé d’un rein artificiel. Les perturbations de l’équilibre endocrinien qui peuvent en résulter doivent faire envisager aujourd’hui non seulement de satisfaire plus ou moins adroitement des processus métaboliques perturbés, mais plutôt d’agir sur la région hypothalamo-hypophysaire, commande centrale des sécrétions hormonales, pour les normaliser, et essayer d’orienter le métabolisme vers les processus de restauration, de mise au repos, de synthèse protéique. En effet, même si les grandes fonctions organiques sont restaurées de façon stable (nerveuse, cardio-circulatoire, ventilatoire, digestive et rénale), la persistance d’un déséquilibre neuro-endocrinien plus ou moins profond avec catabolisme azoté persistant impose encore la réanimation à long terme. Dans ce cas il s’agit essentiellement de la restauration de l’harmonie fonctionnelle du métabolisme tissulaire, restauration qui fait alors appel à toutes les connaissances récentes et encore en pleine évolution concernant les processus biochimiques les plus complexes. Partant de la réaction aspécifique aux agressions, la réanimation médico-chirurgicale a donc étendu rapidement son champ d’action à toute la physiopathologie. Sachant l’importance prépondérante dans cette réaction de la réponse adrénosympathique et des perturbations vasomotrices et biochimiques qu’elle entraîne (cf. état de CHOC), la pharmacologie du système nerveux végétatif, ainsi que celle de la douleur, doivent contribuer au contrôle de cette réaction et des perturbations hydro-électrolytiques et métaboliques qu’elle provoque.• ranimation 1933; de réanimer♦ Ensemble des moyens visant à rétablir les grandes fonctions vitales (surtout respiratoire et cardiaque) abolies ou fortement perturbées (à la suite d'accidents, maladies, complications opératoires). Réanimation d'un asphyxié, d'un blessé. Service de réanimation d'un hôpital (⇒ anesthésiologie) . — Service de réanimation. Malade qui reste quelques jours en réanimation. Abrév. fam. RÉA . Il a été transporté d'urgence en réa.réanimationn. f. Ensemble des techniques médicales employées pour remédier à la défaillance d'une ou de plusieurs fonctions vitales (respiration et circulation, notam.).— Techniques de réanimation: respiration assistée, entraînement cardiaque, épuration extrarénale, etc.⇒RÉANIMATION, subst. fém.Action de réanimer; résultat de cette action.A. — [Corresp. à réanimer A] MÉD. Réanimation cardio-vasculaire, rénale, respiratoire, sanguine; assistant d'anesthésie-réanimation; service, salle de réanimation. Même après l'arrêt du cœur, la réanimation, chez l'Homme et le Mammifère, se révèle possible (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 619):• ... il est de nombreuses occasions où les techniques de réanimation s'appliquent à un malade comateux et permettent alors le retour à un niveau normal de conscience (...). Mais, bien souvent, c'est un malade conscient qui bénéficie de la réanimation, car il s'agit alors de compenser (...) la défaillance d'un organe ou d'un système vital.Encyclop. Sc. Techn. t. 9 1973, p. 384.— P. méton. Techniques de réanimation; branche de la médecine qui s'y rapporte. Les progrès de la chirurgie abdominale et surtout de l'anesthésie et de la réanimation permettent cette intervention grave [la gastrectomie subtotale ou totale] avec d'heureuses suites (QUILLET Méd. 1965, p. 141).B. — [Corresp. à réanimer B] Réanimation régionale. Était-ce vraiment Robert Saveilhan que Gina avait aimé cette nuit, ou l'égal de Ricarda, l'image de Ricarda lui-même, qui était toujours son idéal aventurier? Comme elle s'était passionnée à cette réanimation de ses souvenirs! (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 89). L'animation ou la réanimation de l'économie nationale, ainsi que la protection des hommes et des terres, dépendent directement des pôles de développement présents et à venir, en territoire national et hors de ce territoire (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 178).REM. Réa, subst. fém., arg. hospitalier. En langage hospitalier, la Sécurité Sociale devient la « Sécu », la réanimation la « réa » (BEAUVAIS, Le Fr. kiskose, 1975, p. 11 ds QUEM. DDL t. 23).Prononc.:[
]. Étymol. et Hist. 1. 1926 au fig. (BOURGET, Actes suivent, p. 116: comme une réanimation de tout son être); 2. 1949 méd. (Nouv. Lar. univ., s.v. ranimation, v. FEW t. 24, p. 597a, note 6). Dér. de réanimer; suff. -(a)tion. Bbg. DUB. Dér. 1962, p. 33.
réanimation [ʀeanimɑsjɔ̃] n. f.❖♦ Ensemble des moyens visant à rétablir les grandes fonctions vitales (surtout respiratoire et cardiaque) abolies ou fortement perturbées (à la suite d'accidents, de maladies, de complications opératoires). || Réanimation d'un asphyxié, d'un animal qui a subi l'hibernation. || Service de réanimation d'un hôpital. — Abrév. : réa. || Il a été transporté d'urgence en réa.➪ tableau Lexique de la chirurgie.
Encyclopédie Universelle. 2012.